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L’IA Générative et la formation continue universitaire : quelles compétences numériques à renforcer ?

L’IA Générative et la formation continue universitaire : quelles compétences numériques à renforcer ?

Billet rédigé par la Dre Patrizia Birchler Emery et la Dre Jue Wang Szilas, Centre pour la formation continue et à distance, UNIGE

Nous sommes engagées depuis quelques années déjà dans le renforcement des compétences numériques des équipes enseignantes de la formation continue de l‘Université de Genève (Centre pour la formation continue et à distance – CFCD) et avons présenté à plusieurs reprises dans ce blog des billets sur les réflexions et les solutions mises en place pour former de manière efficace des apprenant-es présentant des profils plutôt hétérogènes (modèle à trois niveaux et auto-formation en ligne).

De nouvelles compétences étant requises avec l‘arrivée des outils d’intelligence artificielle générative (IAGen), nous avons donc entamé une réflexion sur la manière de les intégrer dans notre modèle de formation à trois niveaux, en nous basant à la fois sur des initiatives telles que le cadre de référence de l‘UNESCO pour les compétences numériques des enseignants et les directives et recommandations émises par l‘Université de Genève et ses facultés.

Parmi les initiatives déjà menées au CFCD autour de l‘IAGen, on peut citer les deux ateliers organisés pour le personnel enseignant et de coordination de la formation continue en octobre 2023 et en février 2025. Le premier se concentrait de manière générale sur les défis et opportunités présentés par l’arrivée de GenAI dans l’enseignement supérieur et le second sur la présentation des ressources disponibles et l’exploration de l’utilisation de l’IAGen. Par ailleurs, nous avons aussi procédé à des tests pratiques d‘outils IAGen pour l‘enseignement et partagé nos réflexions à ce propos avec la communauté universitaire.

Il nous a semblé cependant qu‘avant de revoir et implémenter notre modèle à trois niveaux, il était nécessaire de connaître un peu mieux l‘utilisation actuelle de l‘IAGen par notre public cible, les enseignant-es et coordinateurs/trices des programmes de formation continue de l‘UNIGE:

Élaboration d‘un questionnaire

Un projet pilote a ainsi été lancé pour évaluer l’état actuel de l’utilisation de l’IA au sein de la communauté de la formation continue. Le projet visait à recueillir des données sur l’adoption de l’IA à l’aide d’un questionnaire, afin de permettre d’affiner les compétences qui devraient être incluses dans les formations que nous proposons à nos équipes enseignantes. Les réponses au questionnaire ont été ensuite comparées aux commentaires recueillis lors de l‘atelier organisé par le CFCD en février dernier, au cours duquel ces mêmes questions (mais sans menu déroulant) avaient été soumises au participant-es via padlet.

Pour ce qui est du questionnaire en ligne envoyé à tous les membres des équipes enseignantes, nous avons décidé de ne poser que deux questions- clés afin de garantir un taux de réponse assez élevé. Ces questions étaient complétées par des choix de réponse, ainsi que la possibilité de déclarer la non-utilisation de l‘IAGen :

1. Avez-vous déjà utilisé des outils d’IA pour les tâches suivantes ? (Cochez toutes les options pertinentes)

  • Conception de cours et story-board
  • Rédaction de textes de cours
  • Traduction de textes, de messages ou de documents
  • Conception d’activités de cours
  • Conception de l’évaluation
  • Détection du plagiat par l’IA
  • Communication avec les étudiants
  • Analyse des données d’apprentissage (learning analytics)
  • Personnalisation des parcours d’apprentissage
  • Gestion administrative (par exemple, réponses automatisées, organisation des tâches)
  • Autre (veuillez préciser) : _________
  • Je n’ai jamais utilisé d’outils d’IA
2. Quel(s) outil(s) d’IA avez-vous déjà utilisé pour votre   enseignement ou votre gestion ? (Cochez toutes les  options pertinentes)

  • ChatGPT (assistant conversationnel, génération de textes)
  • Claude (assistant IA, sécurité éthique)
  • Grammarly (correction linguistique)
  • DeepL (traduction)
  • MidJourney (génération d’images)
  • Compilatio (détection du plagiat par l’IA)
  • Microsoft Copilot (outils d’IA intégrés dans Microsoft Office)
  • Perplexity AI (assistant de recherche alimenté par l’IA)
  • ELSA Speak (apprentissage des langues assisté par l’IA)
  • Synthesia (vidéos générées par l’IA avec des avatars)
  • Google Bard (assistant IA, recherche conversationnelle)
  • Autres (veuillez préciser) : ______________

Le questionnaire a été élaboré avec LimeSurvey et envoyé à 427 destinataires, dont 347 adresses électroniques personnelles et 80 adresses génériques, ce qui a permis d’obtenir 57 réponses complètes. Lors de l‘atelier, les mêmes questions ont été posées et 29 des 42 participant-es ont partagé leurs réponses sur Padlet.

Il est impossible de déterminer si les mêmes participant-es à l’atelier qui sont intervenus sur Padlet ont aussi répondu au questionnaire en ligne. Les deux jeux de réponse ont donc été analysés séparément, même si les réponses ont été utilisées dans leur globalité pour la conclusion. 

Analyse des réponses au questionnaire en ligne

Analyse des résultats de la question 1

La tâche la plus populaire pour laquelle les outils d’IA sont utilisés est la traduction de textes, de messages et de documents, 45 des 57 participant-es au questionnaire déclarant utiliser l’IA à cette fin. La rédaction de textes de cours est la deuxième tâche la plus populaire, avec 16 sur 57 participant-es utilisant l’IA dans ce domaine. En outre, 13 d’entre eux/elles utilisent l’IA pour la conception de cours et le story-board, tandis que le même nombre l’utilise pour des tâches de gestion administrative telles que les réponses automatisées et la planification. En revanche, l’IA est moins utilisée pour la création d’images, puisque seuls 2 participant-es déclarent l’utiliser, et ils/elles sont encore moins nombreux/euses (1) à déclarer utiliser l’IA pour analyser les données d’apprentissage.

Figure 1. Résultats de la question 1 (questionnaire en ligne)

 

La traduction et la création de textes de cours sont les utilisations les plus courantes de l’IA, ce qui suggère que les participant-es considèrent l’IA comme un outil utile pour automatiser et faciliter les tâches de routine telles que la traduction ou la création de contenus liés aux cours. La faible utilisation de la création d’images et de l’analyse des données d’apprentissage suggère que l’application de l’IA dans ces domaines n’est pas aussi essentielle ou répandue dans les tâches éducatives et administratives. Un nombre significatif des participant-es (5) a indiqué qu’ils/elles n’avaient jamais utilisé d’outils d’IA, ce qui peut indiquer un manque de familiarité avec l’IA ou une réticence à l’adopter.

Analyse des résultats de la question 2

Les outils d’IA les plus utilisés par les participant-es sont ChatGPT (48 sur 57 participant-es) et DeepL ( 45). ChatGPT est largement utilisé pour la génération de textes et le soutien académique, tandis que DeepL est utilisé pour la traduction. En outre, d’autres outils sont utilisés de façon notable. Compilatio, utilisé par 21 des 57 participant-es, souligne l’importance de l’IA dans la détection du plagiat, bien que ce taux élevé puisse être dû au fait qu’il s’agit d’un outil institutionnel. Microsoft Copilot est également largement utilisé, par 14 participant-es, souvent pour des tâches de productivité et d’organisation. Parmi les outils moins populaires, Grammarly a été utilisé seulement par 4 participant-es. Les outils d’IA créative tels que MidJourney, Synthesia et Google Bard sont beaucoup moins utilisés, avec seulement 1 réponse pour chacun de ces outils.

Figure 2. Résultats de la question 2 (questionnaire en ligne)

 

Les résultats indiquent que ChatGPT et DeepL sont les outils d’IA les plus utilisés, ce qui suggère que la génération de texte, la communication et la traduction sont les applications les plus courantes de l’IA par nos équipes enseignantes de formation continue. L’adoption de Compilatio suggère que la détection du plagiat est une préoccupation importante, en particulier dans les milieux universitaires, ce qui souligne le rôle de l’IA dans le maintien de l’intégrité académique. Microsoft Copilot montre que les outils de productivité sont utilisés, mais leur adoption n’est pas aussi répandue que celle des outils linguistiques.

Les outils de création d’images et de vidéos, tels que Midjourney et Synthesia, ainsi que Google Bard, sont moins largement utilisés, ce qui suggère que les outils d’IA créatifs peuvent avoir des applications de niche dans la pédagogie et la gestion de nos programmes de formation continue.

En outre, d’autres outils mentionnés, tels que Mistral, Canva, Infomaniak, Scribbr, etc., reflètent la diversité croissante des solutions d’IA vers lesquelles se tournent les éducateurs/trices. Ces outils servent des objectifs spécifiques qui ne sont peut-être pas universellement reconnus, mais qui peuvent s’avérer précieux pour des tâches spécialisées.

Analyse des réponses des participant-es à l'atelier

Au cours de l’atelier sur l’IAGen, 29 des 42 participant-es ont partagé leurs réponses sur Padlet :  les deux questions étaient les mêmes que celles du questionnaire en ligne, mais sans l’option de pouvoir choisir des activités ou logiciels dans une liste déroulante.

Résumé des résultats pour la question 1

Les réponses recueillies révèlent que l’IA est principalement utilisée pour la création de contenu, la communication et la traduction. Les utilisations les plus courantes sont les messages sur les médias sociaux (5), la rédaction de courriels (4), l’amélioration de textes (3) et la rédaction de textes généraux (2). L’IA est également couramment utilisée pour la création d’images (5) et la traduction (5), ainsi que pour des tâches plus spécialisées telles que la génération de codes (2), le résumé de textes (2), la génération de questions d’examen (1), la production de podcasts (1) et les requêtes d’ordre médical (1).

Figure 3. Résultats de la question 1 (atelier)

Résumé des résultats pour la question 2

Seul-es 22 participant-es ont répondu à cette question. A noter que certains participant-es utilisent plusieurs outils d‘IAGen. Les outils les plus mentionnés sont ChatGPT (11), Copilot (4), DeepSeek (3), Claude (2), Poe (2), et d’autres IA génératives du même type (2). Les outils suivants n‘ont été mentionnés qu‘une fois: Photoshop, Adobe Acrobat Pro, Illustrator, Padlet AI, Canva AI, DeepL and Adobe Firefly.

Figure 4. Résultats pour la question 2 (atelier)

Comparaison des résultats des questionnaires

Les résultats de l’atelier et du questionnaire soulignent tous deux que la rédaction, la traduction et la communication sont les principaux cas d’utilisation de l’IA. Il existe toutefois quelques différences :

  • La création d’images a été mentionnée plus souvent dans le groupe de l’atelier (5 mentions) que dans le questionnaire (seulement 2 mentions). Cela suggère que les participant-es à l’atelier étaient plus engagés dans la création de contenu visuel, peut-être en raison de différences de rôles professionnels ou d’intérêts.
  • La création de questions d’examen a été signalée par les deux groupes, mais reste un cas d’utilisation de niche. On constate que si l’IA pour la conception d’évaluations est explorée, il ne s’agit pas encore d’une pratique répandue.
  • La production de podcasts, la création de questions médicales et la création de rapports de faculté n’ont pas été mentionnées dans le questionnaire, mais sont apparues dans les réponses aux ateliers. Cela suggère que l’IA est utilisée de manière différente et parfois inattendue, en fonction des besoins individuels.

Les différences entre les deux groupes suggèrent que l’adoption de l’IA varie en fonction de la familiarité de l’utilisateur/trice et de ses besoins professionnels spécifiques, ce qui devra être pris en compte dans la formation aux compétences en matière d’IA.

Parmi les outils utilisés un grand nombre est gratuit ou intégré dans des suites logicielles existantes (par exemple Copilot avec Microsoft Office), ce qui rend difficile la détermination du degré d’utilisation des versions payantes, à l’exception des outils Adobe.

ChatGPT est l’outil le plus utilisé dans les deux questionnaires, ce qui confirme son rôle central dans la génération de texte. Cependant, contrairement au questionnaire en ligne, où DeepL arrivait en deuxième position, les outils de traduction ont été mentionnés moins fréquemment par les participant-es à l’atelier. En outre, Compilatio, un outil d’IA clé pour la détection du plagiat, mis en évidence dans le questionnaire en ligne, n’a pas été mentionné dans les réponses sur Padlet, ce qui suggère une différence possible dans les priorités ou les groupes d’utilisateurs ayant répondu au questionnaire en ligne ou participé à l’atelier.

Alors que Microsoft Copilot a une présence notable, des outils d’IA plus créatifs tels que Midjourney et Synthesia, qui ont été peu adoptés dans le questionnaire en ligne, n’ont pas été mentionnés du tout dans les réponses sur Padlet. Cela suggère peut-être que l’utilisation de l’IA dans l’éducation est encore largement axée sur les tâches textuelles plutôt que sur la création de contenu multimédia.

Une dernière remarque concernant l’utilisation de plus d’un outil IA : les réponses sur Padlet ont permis de constater que 8 personnes en tout cas utilisent 2 outils et une personne en utilise trois.  Les types d’outils utilisés dépendent effectivement des tâches à effectuer. Les regroupements observés sont les suivants:

Figure 5. Utilisation combinée d’outils IA

 

Question supplémentaire : Préoccupations concernant l'utilisation des outils d'IA

Au cours de l‘atelier, les participant-es ont été invité-es à faire part de leurs préoccupations concernant l’utilisation des outils d’IA. Le problème le plus fréquemment mentionné était la fiabilité des réponses de l‘IAGen (16) : absence de références, « hallucinations » ou inexactitudes, incohérences dans les images générées et informations manquantes ou incorrectes. La deuxième préoccupation la plus fréquente était la protection des données, avec les risques liés à l’utilisation d’outils d’IA (4). Les autres préoccupations concernaient la difficulté à créer des prompts efficaces, les questions éthiques, en particulier celles liées à l’évaluation des apprenant-es qui utilisent l‘IA pour leurs travaux écrits, et l’impact environnemental des outils d’IA. 

Figure 6. Résultats pour la question supplémentaire (atelier)

Notre analyse des problèmes de fiabilité suggère que les utilisateurs sont prudents face aux résultats inexacts ou trompeurs. Des préoccupations telles que les hallucinations et le manque de transparence (par exemple, l’absence de citations) soulignent la nécessité de disposer de modèles d’IA plus fiables et d’une meilleure compréhension de leurs limites.

Les préoccupations relatives à la protection des données reflètent une sensibilisation accrue aux risques pour la vie privée ou la propriété intellectuelle, en particulier pour les outils d’IA qui nécessitent des données personnelles ou sensibles pour fonctionner. Il est essentiel de veiller à ce que les plateformes d’IA soient conformes aux réglementations en matière de protection des données pour qu’elles soient adoptées à plus grande échelle.

Les défis liés à l’incitation soulignent la nécessité de fournir davantage de conseils sur la manière d’utiliser efficacement les outils d’IA. Proposer des ateliers ou des guides de l’utilisateur sur les techniques d’incitation pourrait aider les utilisateurs à optimiser leur utilisation de l’IA.

Les considérations éthiques dans les évaluations mettent en évidence des préoccupations concernant l’équité, la précision et l’intégrité. Il sera essentiel d’aborder ces questions pour renforcer la confiance dans les outils d’IA dans les contextes éducatifs. Les préoccupations croissantes concernant l’impact environnemental des outils d’IA soulignent le besoin de solutions d’IA plus durables.

Si les participant-es reconnaissent les avantages des outils d’IA, ils restent prudents quant à leurs limites et à leurs implications éthiques. Il sera essentiel de répondre à ces préoccupations – en particulier en ce qui concerne la fiabilité, la protection de la vie privée et l’éthique – afin d’améliorer la confiance et d’accroître l’adoption des outils par les éducateurs et les professionnels.

Perspectives pour les prochaines étapes de la formation aux compétences en IA

Sur la base des résultats et de l’analyse du questionnaire et de l’atelier, et compte tenu du contexte de notre centre au service d’un grand nombre de programmes de formation avec un personnel limité, nous pouvons reconnaître plusieurs pistes pour intégrer les compétences IAGen dans les formations que nous proposons aux équipe enseignantes des programmes de formation continue :

  • Mettre en avant les outils liés au langage : ChatGPT et DeepL étant les outils les plus utilisés, les futurs ateliers devraient se concentrer sur leur potentiel en matière de création de contenu, de traduction et de communication. Une exploration plus approfondie de leurs fonctionnalités avancées serait particulièrement précieuse.
  • Adapter la formation aux différents profils d’utilisateurs/trices : les programmes de formation aux compétences en matière d’IA devraient être adaptés aux besoins des différents groupes d’utilisateurs/trices, car leur utilisation et leur familiarité avec les outils d’IA varieront. Les enseignant-es, les gestionnaires et les autres membres du personnel peuvent nécessiter des approches différentes.
  • Catégoriser les compétences en matière d’IA en fonction des besoins : la formation doit être décomposée pour répondre aux différents besoins, par exemple :

– Compétences générales pour tous : considérations éthiques, sécurité des données et implications sociétales de l’IA.

– Compétences spécifiques pour différents groupes : applications pratiques des outils d’IA pour générer du contenu éducatif, créer des quiz et développer des outils pédagogiques.

  • Répondre aux hésitations en matière d’IA : pour ceux qui hésitent à adopter les outils d’IA, les ateliers devraient inclure une session d’introduction pour dissiper les idées fausses et mettre en évidence les avantages pratiques de l’IA dans l’enseignement et la gestion.

Ces principes directeurs constituent une bonne base pour structurer des initiatives de formation aux compétences en matière d’IA qui soient à la fois pertinentes et efficaces. En se concentrant sur les outils linguistiques, en adaptant la formation aux différents groupes et profils d’utilisateurs/trices, en classant les compétences en fonction des besoins et en s’attaquant aux obstacles potentiels à l’adoption de l’IA, nous garantissons une expérience d’apprentissage plus ciblée et plus attrayante, avec des méthodologies spécifiques et un contenu de formation détaillé fourni à la fin de la formation.

Conclusion (pour l’instant…)

Les questionnaires ont rempli leur objectif, à savoir nous donner une idée globale de l’utilisation des IAGen par les équipes de formation continue. Cela nous a permis d’établir des priorités pour le projet d’implémentation de notre modèle à trois niveaux et d’en concevoir la planification avec des objectifs plus précis. Bien évidemment, l’IAGen étant en constante évolution, il nous faudra aussi reconsidérer régulièrement les compétences à développer et les niveaux de compétence à maîtriser selon la fonction de chacun-e dans le programme. Ceci afin de garantir la qualité de nos programmes de formation continue et de leur ancrage dans notre société en constante mutation. Nous ne manquerons pas de partager dans de prochains billets de blog les différentes étapes de l’intégration de l’IAG dans nos programmes de formation aux compétences numériques.



L’ «importation intelligente / Smart Import» peut-elle créer un contenu d’apprentissage intelligent ?

Article proposé par la Dre Jue Wang Szilas et la Dre Patrizia Birchler Emery, CFCD

Ce billet explore le potentiel pédagogique des moteurs d’intelligence artificielle Smart Import et Nolej.

H5P Smart Import et Nolej sont des solutions innovantes en matière de conception pédagogique assistée par l’IA, en particulier pour la création de contenus d’apprentissage interactifs basés sur du texte. Ces deux outils s’appuient sur l’IA pour analyser et transformer des documents existants – tels que des textes, des images et des vidéos – en formats interactifs et attrayants.

Nous avons testé chacun de ces outils, afin de mieux comprendre leurs capacités et limites : le premier test avec H5P Smart Import utilise une vidéo YouTube de trente minutes d’une présentation destinée à un large public, et le deuxième test avec Nolej a été effectué avec une vidéo de trois minutes sur une technique particulière d’imagerie numérique. Les résultats sont similaires.

Présentation des outils: H5P Smart Import et Nolej

En matière de personnalisation, H5P Smart Import et Nolej offrent des ajustements de base, avec Nolej proposant des options avancées. Les deux outils s’intègrent facilement aux principales plateformes LMS (Moodle, Canvas, Blackboard), rendant leur utilisation dans divers environnements pédagogiques simple. H5P Smart Import est particulièrement efficace pour les contenus structurés, tandis que Nolej excelle avec des supports plus variés et favorise la collaboration entre enseignant-es. 

Pour l’accès, H5P Smart Import propose une période d’essai de 30 jours, alors que Nolej permet un essai de 10 jours pour créer jusqu’à trois modules d’apprentissage. Avec H5P Smart Import les contenus générés sont réutilisables, mais nécessitent un abonnement pour un accès permanent après l’essai, alors que sur Nolej ils restent visibles même sans abonnement. En termes de langues, H5P Smart Import est limité à l’anglais, tandis que Nolej est disponible en plusieurs langues, avec des variations d’efficacité selon la complexité. 

Ces outils conviennent à un large éventail d’enseignant-es, du primaire au supérieur, et sont adaptés à différents types d’enseignement, y compris la formation professionnelle. Il est recommandé de posséder des compétences numériques de base pour les intégrer efficacement dans la pratique éducative. 

En conclusion, H5P Smart Import et Nolej offrent des solutions complémentaires pour créer des activités interactives, répondant aux besoins variés des enseignant-es  selon la nature et la complexité des contenus pédagogiques. 

Pour tester ces outils, nous avons réalisé un essai avec H5P Smart Import et un autre avec Nolej. Les résultats se sont avérés très similaires pour les deux outils. Cependant, comme H5P Smart Import nécessite un abonnement pour partager les résultats, nous n’avons pas pu les diffuser et avons donc réutilisé les résultats obtenus via Nolej. Pour ces tests, nous avons utilisé deux ressources différentes : une conférence de 30 minutes et une vidéo YouTube de 3 minutes. Nous allons présenter ici le déroulement des tests, les résultats obtenus, ainsi qu’une analyse et des commentaires sur chaque étape. 

Test avec H5P Smart Import

1. Contexte et ressources utilisées

Suite à une démonstration convaincante de l’équipe de H5P, les auteur-es ont obtenu un accès temporaire pour tester les fonctionnalités de Smart Import avec des collègues. Pour cette évaluation, un extrait de vidéo d’une conférence de 30 minutes en anglais a été sélectionné : il s’agit d’une présentation sur un MOOC visant à préserver une écriture en voie de disparition intitulée Teaching an Endangered Script through MOOC. Cette ressource a été choisie afin d’évaluer la capacité de H5P Smart Import à générer des activités pédagogiques interactives à partir d’un contenu à la fois long et complexe. Dans cette vidéo, l’auteure aborde plusieurs points clés : 

  • Écriture Dongba : un patrimoine culturel unique.
  • Objectif du MOOC : sensibilisation et préservation de la culture Naxi.
  • Scénarisation du cours : une approche pédagogique interactive.
  • Enseignement multilingue : promotion du plurilinguisme et de la diversité culturelle.
  • Défis de conception : standardisation et accessibilité de l’écriture.
  • MOOCs comme plateformes de recherche : vers une science citoyenne.

2. Déroulement et résultat

Les auteur-es ont utilisé Smart Import pour convertir la vidéo en transcription textuelle. Une relecture humaine a permis de corriger les éventuelles erreurs, garantissant ainsi la qualité du texte de base. À partir de ce contenu corrigé, Smart Import a généré huit types d’activités d’apprentissage, incluant une vidéo interactive avec mots-clés et questions, un quiz, un glossaire, une carte de concepts, une activité glisser-déposer, des flashcards, ainsi qu’un résumé. Ces activités ont ensuite été partagées avec des collègues, invité-es à les compléter et à donner leur avis.

Cliquez ici pour voir vers le contenu créé (lien vers le site Nolej pour les raisons mentionnées plus haut).

3. Analyse des résultats d’utilisation

Points positifs:  

  • Qualité de la transcription : la transcription automatique de la vidéo est généralement précise, mais nécessite une relecture humaine pour assurer sa fiabilité.
  • Pertinence des mots-clés : les mots-clés proposés sont pertinents et enrichis d’explications claires, comme Cultural heritage, Didactic principles, Dongba script, Endangered languages, Hieroglyph instructional design, MOOC, Multilingual interface, Naxi ethnic group, Scripts, et World Endangered Writing Day.
  • Qualité des exercices de compréhension : les exercices tels que les quiz, flashcards et activités de glisser-déposer sont efficaces pour renforcer les connaissances factuelles basées sur le texte, facilitant ainsi la révision des concepts clés. 

Points à améliorer: 

  • Répétition : les activités générées présentent parfois des redondances, certaines questions se répétant dans les quiz. Cette redondance est également fréquente dans les mots-clés, le glossaire et les flashcards.
  • Incohérence dans les réponses proposées : des divergences existent entre les réponses attendues dans différents types d’exercices. Par exemple, pour la question « What is the goal of the MOOC? », la réponse dans le quiz est “To preserve and revitalize the ancient Dongba script and Naxi Dongba culture”, tandis que la carte de concept indique que “The MOOC aims to explore the role of multilingualism in preserving and transmitting endangered languages and scripts and its potential impact could revolutionize attitudes and practices towards language conservation.”
  • Feedback erroné : certains retours automatiques sont inexacts, proposant des réponses ou explications incorrectes. Sur la même question « What is the goal of the MOOC? », des informations fournies sont inexactes.
  • Questions ouvertes manquantes : l’absence de questions ouvertes dans les exercices limite l’apprentissage à un niveau très basique, ne permettant pas de développer des compétences de réflexion critique.

4. Conclusion

Les résultats indiquent que H5P Smart Import est efficace pour générer des activités d’apprentissage basées sur le texte, en particulier pour l’acquisition de connaissances déclaratives. L’outil renforce la maîtrise des concepts clés en intégrant ces éléments de manière répétée dans les activités proposées. Cependant, certaines limites demeurent. H5P Smart Import n’est pas encore en mesure de générer des questions ouvertes stimulant une réflexion critique, ni de concevoir des distracteurs complexes dans les questions à choix multiples, ou de faciliter l’apprentissage collaboratif. De plus, l’outil ne prend actuellement en charge que des contenus en langue anglaise, ce qui souligne la nécessité d’ajouter d’autres langues pour accroître l’accessibilité et l’utilité de l’outil. 

Test avec Nolej

1. Contexte et ressources utilisées 

La vidéo servant de base au test avec Nolej a été présentée dans le cadre d’un cours sur les techniques d’imagerie numérique (niveau universitaire) destiné aux étudiant-es en humanités numériques, actifs/ves dans toutes les branches où des objets sont impliqués (archéologie, histoire de l’art, manuscrits, etc.).  Différents types d’imagerie sont passés en revue et testés, afin de connaître leurs spécificités et leurs utilisations pratiques, dans le but de pouvoir ensuite appliquer la technique la plus appropriée dans le contexte de la recherche.   

La vidéo utilisée présente l’une de ces techniques, la RTI (Reflectance Transformation Imaging), et son application à l’archéologie. Il s’agit d’une vidéo faisant la publicité d’un outil commercial et les étudiant-es sont invité-es à garder un œil critique en la visionnant.   

Il ne s’agit donc pas d’une vidéo de cours, mais d’une vidéo de démonstration (ce qui n’a aucune incidence sur les résultats du test). La vidéo est visionnée après une introduction théorique sur la RTI et son fonctionnement, pour les raisons suivantes :  

  • Elle présente visuellement un outil spécifique pour la RTI : composants, manipulation de l’équipement, mise en place, etc.  
  • Elle montre l’outil en cours d’utilisation.  
  • Elle présente les résultats obtenus.  
  • Elle présente l’utilité et l’intérêt de photographier des objets avec cet outil et cette technique (sans toutefois en mentionner les limites). 

  2. Déroulement et résultat 

La première étape a consisté en l’utilisation de Nolej pour convertir la vidéo en transcription textuelle. Comme pour Smart Import, une relecture humaine a été nécessaire enlever les quelques erreurs de transcription. C’est à partir de ce contenu corrigé, que Nolej a généré des activités d’apprentissage, vidéo interactive, cartes conceptuelles, quiz, drag the word, flashcard, ainsi qu’un glossaire, des points clés et un résumé. Nolej a proposé également des contenus supplémentaires : mots croisés, mots secrets, idées d’apprentissage par projet.  

Cliquez ici pour voir le contenu créé.

 3. Analyse des résultats d’utilisation 

 Points positifs: 

  • Qualité de la transcription : la transcription automatique de la vidéo est généralement précise, mais nécessite une relecture humaine pour assurer sa fiabilité.
  • Qualité de certains exercices de compréhension : les quiz et les flashcards, basés sur des phrases entières de la transcription et non sur des mots clés étaient satisfaisants, même si limités en raison de la brièveté de la vidéo.
  • Idées d’apprentissage par projet : trois des quatre suggestions étaient intéressantes. 

Limites et points d’amélioration : 

  • Mots-clés et redondance : les mots clés retenus par l’AI sont trop basiques et généraux, alors que d’autres termes cités dans la vidéo auraient été plus importants et plus appropriés. Il en découle que toutes les activités créées à partir des mots clés (redondance) étaient peu pertinentes (vidéo interactive, glossaire, cartes conceptuelles, drag the word, mots croisés, mots secrets). .
  • Questions ouvertes manquantes : aucune proposition de questions ouvertes, nécessitant analyse et réflexion (par exemple: quelles sont les caractéristiques communes des objets soumis à la RTI, la technique s’applique-t-elle ou est-elle utile à tout objet archéologique, etc.)
  • Limites liées à la reconnaissance du texte uniquement : l‘IA étant basée sur du texte, il manque au cours interactif proposé un ensemble de questions à explorer sur ce qui est montré dans la vidéo et qui peut être tout aussi important que le discours en termes d’objectifs de visionnage (par exemple : la taille et les composants de l’équipement, l’environnement dans lequel la RTI est réalisée, la taille et les caractéristiques des objets traités, etc.) 

 4. Conclusion  

Nolej est un outil efficace, mais il est préférable de générer le texte de base soi-même, en y intégrant les mots-clés et les concepts dont les étudiant-es doivent se saisir. Le modèle d’apprentissage de cette IA est encore basique, ne correspondant qu’au premier niveau de la taxonomie de Bloom. 

Un défaut majeur est que l’IA n’analyse pas les images et ne génère donc pas de mots-clés ou de quiz sur ce qui est montré dans une vidéo, alors que de nombreux domaines d’études comportent des apprentissages liés à un ensemble de gestes à pratiquer ou des items à observer.  

Enfin, les questions de réflexion et d’analyse ainsi que les questions ouvertes sont totalement absentes. 

 

Conclusion

Les résultats ont révélé que ces deux outils généraient efficacement de nombreuses activités d’enseignement basées sur le texte, améliorant principalement l’apprentissage des connaissances déclaratives. Ils ont notamment amélioré la maîtrise et la compréhension des concepts clés en augmentant leur fréquence dans les activités. Cependant, des limites ont été identifiées, par exemple l’incapacité de générer des questions ouvertes nécessitant une réflexion critique, ou d’incorporer des distracteurs approfondis dans les questions à choix multiples, ou de faciliter l’apprentissage collaboratif. De plus, ces outils ne permettent pas de développer des activités sur des objets visuels, ce qui en limite la portée dans de nombreux domaines. En outre, la version actuelle Smart Import ne prend en charge que les ressources en langue anglaise, d’autres langues devant encore être développées.  

Grâce à cet essai, les avantages d’un moteur d’IA ont pu être reconnus, de même que son potentiel pour augmenter de manière significative la productivité dans la création de contenu d’apprentissage interactif basé sur le texte et pour améliorer l’accessibilité. Simultanément, le test a permis d’acquérir une meilleure compréhension des risques, en particulier des préoccupations concernant l’étouffement de la créativité et la nécessité d’une intervention humaine pour maintenir l’intégrité pédagogique. 

Questions pour le futur...?

Il est clair cependant que l’utilisation de ces outils d’IA dans la conception pédagogique interpelle et ce, à plusieurs niveaux. Par exemple, dans quelle mesure les contenus d’apprentissage interactifs créés par des outils d’IA seront-ils crédibles dans un environnement universitaire ? Ou encore, comment trouver un équilibre entre l’automatisation et la créativité dans la conception des contenus d’apprentissage ? Lors de l’intégration d’outils d’IA tels que Smart Import dans la conception pédagogique, où les rôles humains ne peuvent-ils pas être remplacés par l’IA ?  

Le test effectué et ses résultats invitent à la réflexion sur l’évolution du rôle de l’IA dans l’élaboration future de la création de contenus d’apprentissage intelligents. 



Les IA génératives à l’Université de Genève: prise de position du Rectorat et ressources

Le 6 juillet dernier, le Rectorat faisait part de sa prise de position concernant l’utilisation d’intelligences artificielles génératives dans le contexte académique.

Dans le texte publié sur son site internet, l’Université de Genève reconnaît l’importance et les avantages offerts par l’IA générative, mais également ses limites et les défis éthiques qu’elle présente. Elle indique qu’il revient aux facultés et aux enseignant-es de définir les conditions d’utilisation de ces outils et de promouvoir la transparence en matière de citation.

L’UNIGE fait les recommandations suivantes:

  • Former les étudiant-es et les enseignant-es à l’usage de chatGPT ou outils apparentés
  • Poser un cadre clair à l’échelle facultaire et de chaque enseignement
  • Rappeler la notion d’intégrité académique et des objectifs d’une formation universitaire
  • Rappeler l’importance des compétences rédactionnelles dans la formation universitaire
  • Valoriser la notion d’auteur-e d’un travail scientifique/académique et la responsabilité qu’il ou elle porte

Le même cadre et la même transparence doivent être appliqués à l’utilisation d’IA générant des images.

Dans son message, le Rectorat met à disposition deux ressources pour alimenter une réflexion appelée à évoluer et à s’élargir : un guide interactif sur l’IA générative dans l’enseignement universitaire et un mur virtuel (padlet) rassemblant de nombreuses références, articles, blogs et sites internet.

Guide interactif sur l’IA générative dans l’enseignement universitaire

Le guide interactif présente ChatGPT et d’autres IA génératives de texte et met à disposition de nombreuses ressources. Il comprend une partie sur les considérations éthiques à prendre en compte lors de l’utilisation de tels outils, mais fournit également des exemples pratique pour l’utilisation de ChaGPT dans l’enseignement et l’évaluation. Une partie s’intéresse particulièrement au renforcement de l’apprentissage des étudiant-es en utilisant l’IA générative

Padlet / Mur virtuel

Le padlet rassemble des ressources de typedivers : actualité des IA génératives, qu’est-ce que ChatGPT, IA génératives dans l’éducation : pour le e-learning, les évaluations, ainsi qu’outils et applications à disposition, notions et questions de plagiat, d’aigiarisme (plagiat assisté d’une IA) et de droit d’auteur.

Références et autres ressources

J. Érard, L’UNIGE prend position sur l’intelligence artificielle dans le contexte académique, Le Journal de l’UNIGE, printemps 2023 : article présentant la prise de position du Rectorat et un éclairage sur l’IA du Prof. Christian Lovis (Faculté de médecine)

D. Birchmeier, ChatGPT pour la recherche académique, Blog Ciel, 16 mai 2023 : un étudiant en Services et systèmes numérique documente son utilisation cadrée de ChatGPT pour la rédaction de son mémoire de bachelor

R. Zaffran, ChatGPT: An Ongoing and Unprecedented Disruption for Education and Training?, NewSpecial Magazine, avril 2023, p. 28-30: l’article met en évidence l’impact de l’IA, les avantages et les limites de ChatGPT dans l’éducation, et offre des recommandations pour une utilisation éclairée de ces technologies dans les établissements éducatifs.

Unesco : Guidance for generative AI in education and research, 2023: le texte propose des recommandations concrète pour les décideurs politiques et les établissements éducatifs, mais émet aussi des exigences à l’intention des fournisseurs d’IA génératives,  tout en invitant la communauté internationale à réfléchir aux conséquences à long terme de ces outils sur l’enseignement, l’apprentissage, et l’évaluation.

 



Compétences numériques des enseignants dans la formation continue : des nouvelles de l’approche à trois niveaux

Ce billet est proposé par la Dre Jue Wang Szilas et la Dre Patrizia Birchler Emery, CFCD.

Les défis liés à la transformation numérique des programmes de formation continue de l’Université de Genève et les solutions développées par le Pôle programme, pédagogie & partenariats du Centre pour la formation continue et à distance de l’UNIGE (CFCD), ont déjà fait l’objet d’un billet de blog en décembre 2021.

A cette occasion, nous avions détaillé les solutions proposées par notre Pôle pour soutenir la transformation numérique de nos programmes, plus particulièrement dans le cadre du renforcement des compétences numériques des équipes enseignantes. Nous avions également brièvement présenté l’auto-formation Moodle « option seuil », qui a pu être proposée aux collaborateurs et collaboratrices des programmes de formation continue à partir de février 2022.

A la suite de l’ouverture de l’auto-formation, notre Pôle a continué à travailler sur l’amélioration des formations proposées. L’approche adoptée pour développer les modèles d’apprentissage est celle de la recherche orientée par la conception, en anglais Design-Based Research.

La recherche orientée par la conception : brève présentation

La recherche orientée par la conception (Sanchez, 2015), en anglais Design-Based Research (désormais DBR) est une approche méthodologique de recherche utilisée par les chercheurs/euses et les praticien-nes des sciences de l’apprentissage, visant à développer des solutions aux problèmes. Wang et Hannafin (2005) en saisissent les caractéristiques essentielles :

a systematic but flexible methodology aimed to improve educational practices through iterative analysis, design, development, and implementation, based on collaboration among researchers and practitioners in real-world settings, and leading to contextually-sensitive design principles and theories” (p. 6)

Selon le Design-Based Research Collective (2003), un projet présentant les caractéristiques typiques de la RBD devrait inclure les éléments suivants :

  • Ses objectifs sont de résoudre des problèmes actuels du monde réel.
  • Les chercheurs/euses et les praticien-es (qui peuvent être les mêmes personnes) sont pleinement impliqué-es dans le projet.
  • Il est contextualisé car les résultats de la recherche sont liés à la fois au processus de conception qui a produit les résultats et à l’environnement dans lequel la recherche a été menée.
  • Les interventions de conception sont continuellement améliorées pour les rendre plus applicables à la pratique.

Comme le présentent Collins et al. (2004) et Reeves (2000), l’approche DBR comporte généralement quatre étapes :

1) Analyse : les chercheurs/euses identifient un problème qui doit être résolu ;

2) Conception : ils/elles développent une solution potentielle, généralement sous la forme d’un outil ou d’un modèle pédagogique qui pourrait résoudre le problème ;

3) Test et amélioration : ils/elles testent l’outil ou le modèle pédagogique dans un contexte réel et le perfectionnent pour obtenir de meilleurs résultats ;

4) Évaluation et réflexion : les chercheurs/euses réfléchissent aux résultats de l’expérience, identifient les caractéristiques des outils pédagogiques qui ont permis de résoudre les problèmes initiaux, révisent les aspects qui n’ont pas été utiles à l’apprentissage et déterminent le principe de conception. Cela conduit à un autre cycle de recherche consistant à concevoir, tester, évaluer et réfléchir pour améliorer la conception pédagogique en faveur de l’apprentissage. Le processus itératif peut être caractérisé par la figure ci-dessous :

(d’après Reeves [2000], p. 59)

La solution « à trois niveau » dans la spirale de la DBR

Notre projet de solution « à trois niveaux » a traversé les quatre étapes au cours de deux cycles de conception de 2019 à 2022. Le premier cycle de conception a duré de 2019 à 2020. Ce cycle était axé sur le perfectionnement du modèle de transformation à « trois niveaux » et sur les ateliers de formation aux compétences numériques destinés à soutenir sa réalisation. Les retours nous ont permis de réfléchir à une réorganisation des ateliers, avec des objectifs plus ciblés et des formats plus adaptés. De mai à octobre 2021, dans un deuxième cycle de conception, le modèle a donc été repensé, cette fois-ci en se concentrant davantage sur les compétences nécessaires pour la réalisation de cours en ligne répondant au niveau de qualité standard exigé dans nos programmes de formation continue. Une auto-formation Moodle niveau seuil a été proposée, testée et lancée dans un cadre plus large. Nous sommes actuellement dans la phase d’évaluation de ce cycle pour identifier les éléments susceptibles d’être améliorés.

Le projet a été présenté lors du congrès annuel d’EDEN (European Distance and E-Learning Network), en juin 2022, et a suscité un vif intérêt en raison de la clarté de sa conception et, surtout, de son approche très pragmatique qui en rend la réalisation aisée et abordable. La présentation a également fait l’objet d’un article dans les actes de la rencontre.

La solution « à trois niveaux » : développements futurs

Mais le projet n’en est pas terminé pour autant. En effet, une vraie recherche orientée par la conception ne peut se baser que sur deux cycles de conception, c’est pourquoi un troisième cycle est déjà en cours. Dans ce troisième volet, nous travaillerons sur plusieurs plans : amélioration de l’existant, c’est-à-dire l’auto-formation (perfectionnement grâce à l’analyse des données d’apprentissage, passage à Moodle 4.0, utilisation d’autres outils pour un apprentissage plus interactif), puis développement d’un cours en ligne pour l’option standard, redéfinition du niveau avancé et proposition de solutions d’apprentissages adaptées.

Références bibliographiques

Approche à trois niveaux du CFCD 

Wang Szilas, J., Birchler Emery, P. (2021). Une approche à trois niveaux pour soutenir la transformation numérique de la formation continue, https://ciel.unige.ch/2021/12/une-approche-a-trois-niveaux-pour-soutenir-la-transformation-numerique-de-la-formation-continue/

Wang Szilas, J., Birchler Emery, P. (2022). Training Digital Competences of Educators in Continuing Education: A Three-Level Approach. In: Väljataga, T., Laanpere, M. (eds) Shaping the Digital Transformation of the Education Ecosystem in Europe. EDEN 2022. Communications in Computer and Information Science, vol 1639. Springer, Cham., pp. 127-136, https://doi.org/10.1007/978-3-031-20518-7_10

 

Design-Based Research

Collins, A., Joseph, D., Bielaczyc, K. (2004). Design Research: Theoretical and Methodological Issues, The Journal of The Learning Sciences, 13(1), pp.15-42, https://doi.org/10.1207/s15327809jls1301_2

Design-Based Research Collective (2003). Design-Based Research: An Emerging Paradigm for Educational Inquiry. Educational Researcher, Vol. 32, No. 1, p. 5, https://doi.org/10.3102%2F0013189X032001005

Reeves, T. C. (2000). Enhancing the Worth of Instructional Technology Research through Design Experiments and Other Development Research Strategies, Paper presented on April 27, 2000 at Session 41.29, International Perspectives on Instructional Technology Research for the 21st Century, a Symposium sponsored by SIG/Instructional Technology at the Annual Meeting of the American Educational Research Association, New Orleans, LA, USA

Sanchez, E., Monod-Ansaldi, R. (2015). Recherche collaborative orientée par la conception. Un paradigme méthodologique pour prendre en compte la complexité des situations d’enseignement-apprentissage. Education & Didactique, 9(2), pp. 73-94, https://doi.org/10.4000/educationdidactique.2288

Wang, F., Hannafin, M. J. (2005). Design-based research and technology-enhanced learning environments. Educational technology research and development, 53(4), pp. 5-23, https://doi.org/10.1007/BF02504682

 



Au-delà de Zoom : interaction et socialisation en ligne dans des espaces virtuels

Ce billet est proposé par Patrizia Birchler Emery (CFCD) et Laurent Moccozet (CUI).

Dans le sillage des produits de vidéoconférence comme Zoom, de nouvelles offres sont en train d’émerger. L’objectif principal est de permettre une forme de socialisation en dehors de la tenue des conférences et d’améliorer les interactions entre les participant-es.

Elles présentent toutes les mêmes caractéristiques:

  • La possibilité pour l’équipe organisatrice d’utiliser ou construire un « espace », en général sur le modèle d’un bâtiment organisé en halls, salles, couloirs, voire parc ou lounge, où les participant-es vont pouvoir se déplacer. Chaque espace se voit attribuer un rôle: des amphithéâtres pour les conférences traditionnelles, des salles de discussion, des cafétérias ou parcs pour les discussions libres.
  • Chaque participant-e est représenté-e par un avatar, qui peut prendre plusieurs formes: une simple photo du visage, prise à la webcam au moment de l’arrivée dans l’application, un personnage de jeu choisi et personnalisé, un petit personnage coloré.
  • Chaque participant-e peut déplacer librement son avatar dans les différentes parties de l’espace, en le dirigeant avec la souris et/ou les flèches du clavier.
  • La possibilité de « voir » les autres participant-es dans l’espace et de localiser/rejoindre une personne.

Le principe de socialisation se fait sur la proximité des avatars: quand deux avatars sont proches, il leur est proposé de se rencontrer et de discuter. La discussion prend en général la forme d’une mini-vidéoconférence. D’autres participant-es peuvent se joindre à la discussion en rapprochant leurs avatars.