Le droit d’auteur dans le contexte de l’enseignement

Un enseignant (Albert) a acheté 40 livres, dont 39 sont distribués auprès de ses étudiant-e-s. Quant au 40ème, il est entièrement numérisé et placé sur Chamilo d’une manière sécurisée afin que seul-e-s les étudiant-e-s qui ont reçu un livre puissent accéder à sa version en ligne. Est-ce légal ?

Pour qui enseigne ou fait de la recherche dans le contexte de l’éducation, le droit d’auteur est un sujet difficile à ignorer et conduit très naturellement à se poser des questions comme celle illustrée ci-dessus. En effet, l’enseignant-e (et le chercheur) sont la plupart du temps des utilisateurs ou utilisatrices et/ou des auteur-e-s de contenu. Avec l’avènement du Web la copie et la distribution des informations sont devenues des manipulations extrêmement simples et rapides (un seul “clic” suffit pour diffuser un document sur le Web). Le droit d’auteur dans le monde numérique s’impose par conséquent dans l’enseignement avec ses règles de gestion en tant qu’individu et en tant qu’institution.

Le projet DICE (DIgital Copyright for E-learning – http://www.diceproject.ch), fruit d’une collaboration entre plusieurs acteurs des hautes écoles suisses (USI, ETHZ, FFHS, UNIGE, et Creativecommons.ch), s’est donné comme mission de :

  • Sensibiliser les professeur-e-s et autres acteurs/actrices de l’enseignement aux questions liées au droit d’auteur, particulièrement dans le cas de contenus numériques ;
  • Développer des outils permettant aux enseignant-e-s d’acquérir des connaissances sur la propriété intellectuelle et la gestion du droit d’auteur, ainsi que d’éliminer des peurs non fondées sur l’usage de contenus numériques ;
  • Promouvoir l’usage et l’habileté des auteur-e-s à publier des ressources en accès libre selon des licences de type Creative Commons.

Dans un contexte de facilitation à l’accès, au partage et la ré-utilisation des contenus numériques dans le milieu de l’enseignement, 4 questions fondamentales ont été élaborées par l’équipe DICE que tout-e enseignant-e (ou chercheur/chercheuse) devrait se poser avant l’utilisation d’un contenu (texte, photo, enregistrement audio ou vidéo, etc.):

1. Est-ce que le lieu d’utilisation du contenu est en Suisse?

Si la réponse est positive, le droit suisse s’applique. En effet, la règle générale pertinente en la matière est celle de l’application du droit de l’État sur le territoire duquel le contenu est utilisé. Cependant, avec l’usage du Web, la notion de frontière devient floue et il n’est pas évident de donner une réponse simple à cette question de territorialité.

2. Le contenu est-t-il protégé par le droit d’auteur?

Le type de contenu (texte, DVD, photo, graphique, etc.) et le fait que celui-ci tombe sous la dénomination d’une œuvre au sens de la loi fédérale sur le droit d’auteur (e.g., contenu ayant un caractère individuel) constituent deux critères essentiels permettant de clarifier les droits d’usage. Par exemple, la photo ci-dessous n’a pas de caractère suffisamment individuel pour être considérée comme protégée. Dans certains cas s’ajoutent les questions relatives aux droits voisins et de la personnalité.

Exemple d'une photo libre de droit

Exemple d’une photo libre de droit

 

3. Qui est le titulaire des droits sur le contenu protégé?

Il est également important de se demander qui est le titulaire de l’œuvre et le but de son usage. Est-ce un ou une professeur-e, un-e étudiant-e, une tierce personne, plusieurs auteur-e-s, etc.?

4. En vue de quel but le contenu protégé est–il utilisé ?

L’enseignement constitue-t-il le but visé, avec la possibilité de faire valoir certaines exceptions relatives à l’usage didactique ? Par exemple, l’utilisation d’une œuvre dans le seul but d’embellir une présentation n’entre pas dans cette catégorie d' »usage didactique ». Dans les cas qui ne sont pas considérés comme usage didactique, l’utilisateur doit obtenir l’autorisation du titulaire des droits d’auteur sur les œuvres en question. A l’inverse, lorsque l’usage didactique est avéré, une redevance est prélevée au travers des tarifs communs relatifs aux usages didactiques (TC7 et TC9). Cette redevance est néanmoins transparente pour les enseignant-e-s.

Tarifs Communs (TC)

Les tarifs communs sont appliqués par les sociétés de gestion qui représentent les intérêts des auteurs et des artistes interprètes qui y sont affiliés. Selon les tarifs en vigueur, cela représente (TC7 + TC9III) de l’ordre de 10 CHF par étudiant.

Au-delà des 4 questions fondamentales présentées ci-dessus, il est aussi bon de connaître quelles sont les responsabilités et les sanctions prévues en cas de violation du droit d’auteur. Un-e enseignant-e (ou chercheur) qui omet de citer par exemple du contenu téléchargé du Web et qu’il/elle aura publié sur son blog, avec ou sans but lucratif, pourrait subir des sanctions (civiles, voire pénales).

Sans prétendre donner des réponses univoques, le site Web DICE contient des analyses de cas et des ressources qui permettront de se familiariser avec les notions de propriété intellectuelle et de gestion du droit d’auteur. En l’occurrence, la méthode DICE y est détaillée dans un manuel (http://www.diceproject.ch/resources/handbook) rédigé en 4 langues.

Parce que le non-respect du droit d’auteur peut avoir des conséquences pour l’utilisateur/trice ainsi que l’institution à laquelle il/elle appartient, il est recommandé, dans le doute, de s’adresser aux interlocuteurs privilégiés que sont les sociétés de gestion des droits d’auteurs ou prendre contact soit avec un-e spécialiste du droit d’auteur dans son institution, soit avec le réseau DICE (pour l’Université de Genève, contacter Pierre-Yves.Burgi@unige.ch). Et en parlant de doutes, quel est votre avis sur l’enseignant Albert: a-t-il le droit de numériser le 40ème livre et le mettre sur Chamilo?

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