eTandem et télécollaboration : des échanges exolingues en ligne pour développer des compétences linguistiques et interculturelles

Du fait des avancées des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) et de leur usage généralisé dans le monde académique, les tandems sont redevenus une pratique courante dans l’apprentissage des langues médiatisé par les technologies (ALMT), où ils sont inclus dans le terme plus large de télécollaboration.

L’apprentissage des langues en tandem existe depuis longtemps. Selon TANDEM Fondazioa, aussi appelé TANDEM city, l’emploi délibéré de ce mode d’échange à des fins didactiques remonte aux « séjours linguistiques binationaux » de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) en 1971. Le terme ‘tandem’ commençait alors à être utilisé et cette manière d’apprendre était adoptée par nombre d’enseignant·e·s de langues. Suite à cela, le Réseau international tandem (RIT) fut établi en 1994. Le RIT hébergeait un serveur qui permettait aux étudiant·e·s universitaires de plusieurs pays d’apprendre des langues en tandem à distance, et le projet a reçu des subventions de l’Union européenne dans le cadre des programmes LINGUA, ODL, SOCRATES ILCLINGUA-D, ou encore CULTURA (initié par l’Institut des technologies du Massachusetts ou MIT). En Suisse, l’Université de Fribourg et l’Université de Lausanne sont des partenaires de ce réseau. Le RIT est maintenant également ouvert aux apprenant·e·s en dehors du cadre universitaire.

Les échanges tandem sont nombreux et variés, et peuvent être caractérisés par :

  • Le type d’organisation. L’échange est-il organisé par une institution ? par une entreprise privée ? ou est-il simplement informel ?
  • Le type de reconnaissance. Si l’échange est institutionnel, sera-t-il reconnu, à savoir, sera-t-il crédité et / ou intégré dans une formation existante? ou s’agira-t-il d’une activité facultative ?
  • Le mode de travail. Travaille-t-on avec ou sans tutorat ? en salle réservée ou chez soi ? dans un café ?
  • Le nombre d’apprenants. Forme-t-on des binômes, un·e apprenant·e (‘pair’ en français, peer en anglais) de chaque côté ? un·e apprenant·e d’un côté pour plusieur·e·s de l’autre ? ou des participant·e·s qui échangent entre groupes ?
  • La technologie utilisée. Parle-t-on d’un tandem sans interface technique, en face-à-face physique, aussi dit ‘en présentiel’ ? d’un tandem échangeant par téléphone, ou par email ? d’un tandem à distance par internet ?
  • Le type de communication. S’il s’agit d’un échange en ligne, communique-t-on via une visioconférence ? en mode synchrone et / ou asynchrone ? au moyen de quel-s logiciel-s (Skype, Adobe Connect) ?

Ce mode d’apprentissage permet aux apprenant·e·s d’améliorer leurs compétences linguistiques directement avec un ou plusieurs « vrai·e·s » locuteur/trices natif/tives de la langue cible. Il est basé sur l’autonomie des participant·e·s et sur la réciprocité, le développement de l’autonomie se faisant essentiellement durant l’apprentissage, et le respect du principe de réciprocité étant fondamental pour que chacun·e bénéficie de la collaboration en ligne (Little et Helmet, 1996). Par ailleurs, comme la communication s’articule toujours entre personnes appartenant à des communautés de langues et de cultures différentes, l’échange tandem facilite également l’apprentissage interculturel.

Les échanges tandem en ligne (eTandem ou télétandem) sont aujourd’hui inclus dans le terme plus large de télécollaboration, qui désigne « l’utilisation d’outils de communication en ligne pour faire travailler ensemble des classes géographiquement distantes afin de développer leurs compétences langagières et interculturelles » (O’Dowd, 2011). La télécollaboration diffère cependant des échanges eTandem sur certains points. Née d’une conception d’apprentissage collaborative pour préparer à la mobilité physique, les apprenant·e·s y travaillent non seulement des compétences linguistiques et interculturelles, mais aussi des compétences numériques et disciplinaires (Mangenot et Nissen, atelier INTENT, avril 2013). De plus, la télécollaboration s’inscrit dans le cadre de cours universitaires évalués (cours de langues ou de formation à l’enseignement des langues), ce qui n’est pas nécessairement le cas des échanges eTandem. En troisième lieu, la configuration de la participation n’est pas identique : la télécollaboration concerne en règle générale un collectif d’individus alors qu’un échange eTandem s’établit souvent entre deux, trois ou quatre personnes maximum (Degache et Mangenot, 2007). Quatrièmement, la télécollaboration se passe dans une, deux ou plusieurs langues selon des situations exolingues variées (Matthey, 2003), alors que les échanges eTandem ont lieu alternativement dans la langue cible et dans la langue première des participant·e·s.

Ces dernières années, les idées mises en place il y a un demi siècle pour soutenir la mobilité étudiante et le développement de compétences linguistiques et interculturelles sont à nouveau au centre des préoccupations des universités. Depuis 2010, le projet « Intégrer la télécollaboration dans l’enseignement des langues à l’université » (INTENT) vise à intégrer la télécollaboration dans les universités européennes pour soutenir les universitaires et les décideurs. Un réseau a été développé au sein de l’Europe et au-delà, la plateforme UNICollaboration, qui permet de consulter les nombreux projets déjà en cours, récemment recensés par O’Dowd et présentés lors d’un atelier INTENT à Grenoble en avril 2013 :

Cette plateforme est ouverte à tout·e enseignant·e universitaire intéressé·e par la communication exolingue en ligne ou désireux de faire connaître son propre projet de collaboration. UNICollaboration liste également des articles sur le sujet et permet de trouver une université ou une classe partenaire pour qui aurait envie de se lancer dans la télécollaboration.

L’Université de Genève y est représentée depuis avril 2013 par le cours eTandem chinois-français de l’Unité de chinois, ESTAS, Lettres, créé dans le cadre du projet ChineWeb de Claudia Berger. Jue Wang Szilas collabore à la conception, aux fondements scientifiques et la bonne marche du cours dans le cadre de ses recherches doctorales sur le sujet.

Bibliographie :

  1. Degache C. et Mangenot F. (2007). Les échanges exolingues via Internet, Lidil No 36, http://lidil.revues.org/index2373.html
  2. Little, D. et Helmut B. (1996). A Guide to Language Learning in Tandem via the Internet. CLCS Occasional Paper No 46. http://www.eric.ed.gov/ERICWebPortal/detail?accno=ED399789
  3. Matthey, M. (2003, réed). Apprentissage d’une langue et interaction verbale. Berne, Peter Lang
  4. O’Dowd, R. (2011). Intercultural communicative competence through telecollaboration, in Jackson, J. (dir), The Routledge Handbook of Language and Intercultural Communication, Routledge, 342-358.
  5. O’Dowd, R. (2011). Online foreign language interaction: Moving from the periphery to the core of foreign language education?, in Language Teaching, 44 (3), 368-380.
  6. Porquier, R. (1984). Communication exolingue et apprentissage des langues. In Acquisition d’une langue étrangère III, 17-47.