5 idées d’activités pour « réveiller » vos étudiants derrière leurs écrans

(ce billet est proposé par Jue Wang Szilas et Nicolas Szilas)

C’est jeudi… déjà plus de trois jours devant son écran à écouter les profs parler depuis Zoom… le bureau est plus grand, la chaise est plus confortable, mais quand même, on attend de l’université une activité un peu plus stimulante !

En enseignement à distance et en direct, en visio-conférence, le cours donné quasiment à l’identique pour des élèves à distance est un pis-aller (nous l’écrivions dans un précédent billet). Mais alors que faire de ces périodes de cours, si on ne fait pas cours ? Dans ce billet, nous vous proposons cinq idées, certaines pour de grandes classes, d’autres pour de plus petites, qui tendent à montrer qu’être à distance présente, malgré les idées reçues, des avantages certains pour la formation. Alors pourquoi s’en priver ?

1.   Travail de groupe : les bienfaits de la téléportation

Que votre interlocuteur soit dans la pièce à côté ou sur un autre continent, cela ne change pas grand-chose dans la communication virtuelle, seule compte la topologie du réseau d’interconnexion entre les personnes d’une classe. Et cette topologie peut changer d’un coup de baquette magique. Ainsi, alors que la disposition spatiale de la classe (une estrade unique et de nombreuses tables/chaises) est conçue pour une topologie en étoile, la communication virtuelle permet d’adopter d’autres topologies, notamment en îlots, qui est celle du travail de groupe. Et surtout, de passer instantanément d’une configuration à l’autre.

Finis les grincements de chaise, les inévitables « chahuts » lors de la réorganisation de la classe, vous pouvez facilement alterner travail de groupe et travail en classe entière, et ce même pour des grandes classes. Sur Zoom par exemple, il est possible de créer des sous-groupes manuellement (voir par exemple ce court tutoriel), mais aussi automatiquement. On peut aussi préparer la constitution des groupes avant le démarrage du cours.

Sur le plan pédagogique, on peut reprendre des scénarios de travail collaboratif utilisés en présentiel, il ne s’agit pas ici même d’en tenter une synthèse. Mais la division évoquée ci-dessus entre un groupe classe et plusieurs sous-groupes est elle-même issue de la géographie de la classe, alors que rien ne nous empêche d’envisager d’autres répartitions et d’autres transitions entre répartitions, puisque qu’aucune contrainte spatiale ne vient nous limiter : recomposition régulière de groupes de 4, groupes de taille croissante/décroissante, etc. Soyons créatifs !

Donc, on constate ici que la distance nous permet de profiter pleinement des avantages du numérique, et non subir une dégradation du cours présentiel, comme on l’entend trop souvent.

2.   Danse avec les étudiants

La facilité de reconfigurer les groupes en quelques clics a sa contrepartie négative : dans Zoom et les autres outils similaires, nous sommes tous, étudiants et enseignants, dans un espace abstrait, désincarné, tels des astronautes coincés dans leur scaphandre, perdus dans un espace sans dimension, communiquant via une petite vitre avec le reste du monde. Est-ce inéluctable ?

Un nouvel outil de visio-conférence, gather.town (https://gather.town/ ), connaît un succès grandissant cette année et consiste précisément à réintroduire une spatialité (une métrique plus qu’une topologie, pour nos amis mathématiciens), sous forme d’une carte, dans laquelle sont représentés des objets stylisés d’un environnement imaginaire ainsi que les participants, qui peuvent s’y déplacer (un RPG en 2D, pour nos amis joueurs).

Exit la téléportation, il faut maintenant se déplacer sur la carte pour aller interagir avec un participant. Car, dans le fonctionnement par défaut, c’est seulement quand on arrive à une certaine distance d’un autre participant, que micros et caméras apparaissent, afin que l’interaction orale et visuelle puisse avoir lieu. Réintroduire ces déplacements est bien plus qu’un gadget cosmétique pour donner un aspect ludique aux échanges : il permet de situer une communication entre quelques personnes (celles dans le rayon de proximité) dans le contexte plus large de la classe, d’avoir conscience de la présence des autres même lorsque on n’est pas en interaction directe. Les travaux de petits groupe avec Zoom ont été vécus comme un travail en silo, chaque groupe étant totalement invisible des autres, tandis qu’avec Gather, on voit les autres (leur avatar), on peut aller leur poser une question. De plus, pour l’enseignant, la circulation entre groupe est grandement facilitée, et il arrive « en étant vu », plutôt que par surprise. Au-delà de ces atouts techniques, nous avons pu ressentir des émotions assez fortes avec Gather, comme si les étudiants enfin se retrouvaient après l’isolement. La communication informelle prend parfois le dessus, les mouvements des participants deviennent chorégraphiques, ou des images fixes : nous avons fini par dessiner un cœur sur la carte avec nos personnages…

3.  « Guest-stars à gogo »

Il est souvent apprécié pour les étudiants de ne pas toujours écouter le ou la professeur-e du cours suivi, mais aussi des intervenants extérieurs, choisis pour leur expertise. Les faire venir en salle est possible, mais parfois compliqué, voire impossible si la personne vient de loin. Les faire intervenir en visio-conférence pendant le cours est possible également, mais assez peu recommandé : la qualité de l’intervention est perçue comme dégradée car les étudiants interagissent rarement avec les intervenants à cause d’une inégalité spatiale entre les présents et les distants. A distance, le contexte change : tout le monde est au même niveau, derrière les écrans, ce qui permet une transition homogène entre enseignants et intervenants. Nous avons pu, en 2020, faire intervenir dans nos cours des experts de Suisse, France et Belgique, des assistants supplémentaires pour certains ateliers techniques, des anciens étudiants pour présenter un outil ou une expérience particulière… on voit que les possibilités sont multiples. Cette option permet de diversifier les interventions pédagogiques : si, pour l’étudiant, rester cloué devant son logiciel de visio-conférence peut devenir monotone, au moins, nous pouvons lui offrir une diversité plus importante qu’en présentiel. Une possibilité à utiliser avec modération tout de même, car ces interventions restent souvent assez unidirectionnelles.

4.   Apprendre et expérimenter sur le terrain

Nous avons trop tendance à penser qu’un cours à distance doit se faire dans un contexte le plus proche possible de la classe ou l’amphithéâtre, un lieu neutre et polyvalent dédié à l’enseignement et l’apprentissage. Et comme ce lieu n’existe pas toujours, notamment à la maison, Zoom, encore lui, nous permet même masquer la réalité environnante par de magiques fonds virtuels. Sortons du carcan de la classe, sortons tout court, allons sur le terrain.

Une occasion unique s’offre en effet : filmer un cours dans un contexte particulier, un contexte qui est lié au contenu du cours. Cette possibilité va bien-sûr dépendre de la discipline en question. En biologie, on pourra sortir dans la nature, en physique (et en sciences expérimentales en général) on pourra expérimenter sur le monde environnant faisant de son bureau (ou sa cuisine) un laboratoire, en langue, on pourra mettre en scène un dialogue en contexte authentique. Dans d’autres domaines, le lien entre l’environnement et le contenu du cours pourra être métaphorique : utiliser des pions pour parler d’humains dans une organisation, par exemple. On peut aussi se contenter d’illustrer son propos à l’aide d’objets : montrer un livre plutôt que juste le citer, etc. A chacun ensuite de trouver le style qui lui convient, sans tomber dans le burlesque non plus.

Contrairement au cours classique, vous avez une totale liberté cinématographique : changements de plan (de l’orateur vers l’environnement, plans larges ou gros plan, etc.), mouvements de caméra (effets de zoom, de caméra à l’épaule, etc.). Techniquement, ce n’est pas facile (on n’a pas sous la main une régie de télévision), mais on peut se lancer, en faisant appel à une personne pour filmer. Même avec une prise de vue basique, votre cours tranchera avec l’éternel buste en plan webcam.

5.   « C’est toujours les mêmes qui lèvent le doigt ! »

Un constat implacable, dans les grandes classes comme dans les groupes plus réduits. Si on adhère à l’idée que les étudiants apprennent mieux quand ils participent en classe, quelle singulière inégalité se met implicitement en place dans le dispositif de la classe ! On donne plus de chances à celles ou ceux qui ont le moins d’inhibition à s’exprimer en public. Voilà encore un domaine où les technologies numériques vont pouvoir venir à la rescousse, en donnant la participation à tout le monde. Mais pas n’importe quelle technologie : vous l’avez certainement déjà constaté, la visio-conférence est loin de désinhiber les étudiants, au contraire. Nous pensons plutôt aux technologies de vote en ligne (comme Votamatic, Wooclap, Kahoot, etc.), qui permettent aux étudiants de répondre très rapidement à une question de l’enseignant, et d’afficher immédiatement le résultat du vote. D’autres outils permettent aussi une participation en texte, dont le résultat s’affiche en nuage de mots. Si ces outils sont utilisés dans la classe physique, ils peuvent s’intégrer très facilement à un cours en ligne, car les étudiants sont déjà sur un dispositif numérique ! Derrière ces quelques outils, c’est toute la question de la participation étudiante qui peut être renouvelée : même dans des grands groupes, les apprenants deviennent actifs, agissent en temps-réel sur le cours : de véritables « cours dont vous êtes le héros ». A condition cependant de le scénariser en ce sens. En présentiel, ces outils sont souvent utilisés pour jauger une idée reçue (misconception) ou aérer le cours d’une activité sympathique, sans que cela n’altère réellement le déroulé du cours lui-même. Nous proposons de les intégrer dans un cours à distance comme un véritable outil de participation.

Conclusion

C’est vendredi… les profs ont finalement quitté leur confortable chaise d’orateurs, pour se lancer dans quelques modalités d’enseignement propres à la distance. Réveillés, éveillés, nous est apparue une petite lumière : et si les cours à distance étaient finalement bénéfiques à l’apprentissage ? A consommer avec modération diront les sceptiques, mais à consommer tout de même !