Se former tout en vieillissant: quels modèles pour quels défis?

Se former tout en vieillissant ? Oui, mais comment ? Comment  les aîné-ées apprennent-ils et jusqu’à quel âge?  Jeunes retraité-ées, sénior-es, pourquoi se forment-ils/elles? Quels modèles penser pour favoriser leurs apprentissages? Telles étaient les thématiques abordées lors de la journée de formation continue  du 9 octobre 2012 organisée par la professeure Martine Ruchat, de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. Cette journée a permis de mener une réflexion critique sur des modèles de formation et d’apprentissage  et d’échanger avec les  professionnels engagés dans le domaine du vieillissement.

Chaque intervention a montré la complexité des questions liées aux besoins des retraité-ées actives, personnes souffrant d’affections chroniques, sénior-es autonomes ou en Etablissement Médico-Social (EMS).

Lors de la table ronde clôturant la journée, des experts engagés dans des organismes et associations ont souligné l’importance de la formation tout au long de la vie tant pour les aîné-ées que pour la société.

A l’issue de la journée, les recommandations suivantes ont été émises :

  • Lutter contre l’isolement des personnes âgées
  • Maintenir les liens sociaux
  •  Sensibiliser les sénior-es à de nouvelles activités
  • Lutter contre la fracture numérique
  •  Créer un environnement susceptible de créer un désir d’apprendre

En savoir plus sur les interventions

La professeure Ruchat a posé la problématique de la formation et du vieillissement. D’après elle,  dans les années 70,  les  Universités du troisième âge Uni 3 des seniors, Genève,  Connaissances 3,  Lausanne,  et la Cité Seniors,Ville de Genève , ont été créées dans une perspective de formation tout au long de la vie. Puis, dans les années 90, différentes recherches pluridisciplinaires ont été menées, plus particulièrement  en sciences de l’éducation et en psychologie  autour du vieillissement de la population, de l’exclusion sociale des aînés, de la santé publique, du bien-vieillir, …

Formation et adultes âgés – une réalité qui s’impose aux Sciences de l’Éducation: Dominique Kern- maître de conférence, Université de Haute Alsace

Dominique Kern situe l’émergence  de la formation des adultes au 17ème siècle ( Comenius). Il décrit son évolution jusqu’à  nos jours.  (Rapport de Laroque 1962,  principes des Nations Unies 1991, Commission des Communautés Européennes 2006, Conseil économique, social et environnemental 2009, rapport sur l’éducation en Suisse 2010) .Plusieurs termes sont utilisés pour décrire la formation des personnes âgées, tels que gérontologie éducative, géragogie critique, gérontagogie. Dominique Kern interroge la pertinence du lien entre besoins de formation des personnes âgées et catégories d’âge (grand âge, âge de la retraite, préretraite). Il souligne les effets bénéfiques de la formation : amélioration de la santé, meilleure intégration sociale, amélioration du bien être et épanouissement personnel.

Présentation Kern Genève octobre 2012 pour participants

L’apprenance: pour une formation tout au long et tout au large de la vie: Philippe Carré, professeur,  Equipe Apprenance et formation des adultes- Université de Paris Ouest Nanterre La Défense

Il n’y a pas, selon Philippe Carré,  une limite d’âge pour cesser d’apprendre. L’apprentissage fait partie d’un processus tout au long de la vie. Une nouvelle culture de la formation centrée sur les apprenants, dont les personnes âgées,  se développe. On peut apprendre dans des situations formelles, informelles, de travail, à l’école, dans sa communauté..  L’apprenance décrit un ensemble de dispositions favorisant les apprentissages dont l’autonomie et la motivation. Néanmoins, pour répondre aux besoins de formation des personnes âgées, certaines questions doivent être posées : pourquoi vouloir se former à 70 ans ?  Faut-il une pédagogie spécifique ? Quelles ressources matérielles et personnelles sont-elles nécessaires ?

Apprendre au sein de sa communauté : Martial Van DER LINDEN, professeur de psychologie clinque, FPSE, Université de Genéve

L’emergence de difficultés cognitives liées à l’âge entraîne une complexification de l’apprentissages des personnes âgées. Selon le prof. Van der Linden, ces apprentissages peuvent être optimisés dans le cadre de leur communauté de vie.  Les relations intergénérationnelles profitent aux personnes âgées, elles renforcent l’estime de soi, le sentiment d’une vie satisfaisante et la capacité de se projeter dans l’avenir. Même avec des problèmes cognitifs importants, comme la maladie d’Alzheimer par exemple, la personne âgée peut garder une identité, une place dans la société et une capacité d’apprentissage. Certaines capacités peuvent être altérées, alors que d’autres sont préservées, ce qui explique pourquoi certaines personnes âgées souffrant d’Alzheimer peuvent aider un enfant à lire, par exemple.

Présentation Martial Van Der Linden

L’apport de l’éducation thérapeutique des patients à la gérontagogie: André GIORDAN, professeur, Université de Genève, fondateur du Laboratoire de didactique et épistémologie des sciences.

L’éducation thérapeutique du patient interroge, selon André Giordan, la place du soignant et du  soigné. Confrontés à des maladies chroniques, le patient doit apprendre à changer de comportements, le soignant ne peut pas se substituer à lui. Le projet d’éducation thérapeutique doit être conçu avec le patient à partir de ses besoins. Les objectifs de l’ETP sont multiples : il favorise la mobilisation du patient et sa capacité à se soigner lui-même.

Pour les retraité-ées, un modèle compétenciel a été développé dans le système éducatif : la gérontagogie qui offre des perspectives intéressantes pour favoriser les apprentissages et offrir outils et ressources tant aux personnes âgées qu’aux soignant-es.

Présentation André Giordan

Motivation et apprentissage chez les personnes âgées: Olivier DESRICHARD, professeur de psychologie appliquée, FPSE, Université de Genève

Que nous dit la psychologie sur le développement de la motivation chez les seniors ?  Comment donner envie de se former après 60 ans ? Selon le professeur Desrichard, le développement  du « life-span », un nouveau courant de recherche au sein de la psychologie dévelopementale, qui étudie les changements psychologiques survenant  tout au long de la vie , a entraîné des changements de rôles, d’identité, et parfois de style de vie.  Ces changements induisent une réorientation de la motivation, qu’il faut prendre en compte dans l’accompagnement des séniors et dans l’adaptation de leur environnement.

Présentation Olivier Desrichard

DÉBATS ET PERSPECTIVES

Invité-e-s : Sandrine Fellay-Morante du FSAD, Anne-Claude Juillerat de Viva, André Wyss de Uni3, Hans Peter Graf de la Plateforme des associations d’aînés de Genève, et Stéphane Birchmeier de Cité Seniors.

Deux questions ont été abordées : quels besoins de formation pour quels objectifs? et apprendre tout en vieillissant correspond-il à un besoin individuel et/ou répond-t-il à une nécessité collective de bien vieillir  et quelle en est la plus-value?

Ces cinq invités ont présenté les domaines d’activité de leurs institutions. Ils ont interrogé les motivations intrinsèques et extrinsèques des séniors engagées dans des processus de formation et ont échangé avec le public à propos de leurs expériences et points de vue.

 

Pour en savoir plus:

Formation continue de l’Université de Genève

Fondation des services d’aides et de soins à domicile

Plate-forme des associations d’aînés de Genève

Association VIVA

Les séniors en formation continue: motivation et enjeux