Learning by doing: Drones

Learning by doing – Apprendre en faisant

DSCN1301Les médias se sont fait l’écho de ces nouveaux engins qui désormais semblent sillonner le territoire, y compris les zones interdites de survol. Un aspect sans doute moins connu en est leur utilisation à des fins d’apprentissage. Voyons un peu pourquoi et comment.

La motivation

« Donnez à l’enfant le désir d’apprendre et toute méthode lui sera bonne » Jean-Jacques Rousseau (l’Emile, 1762).

Les jouets techniques exercent, depuis toujours, une fascination indéniable sur un large public: ils sont donc tout désignés pour être utilisés dans un cursus d’apprentissage, sachant que la motivation en est un facteur important, voire essentiel. Cette motivation se développe aussi bien lors de la planification, de la construction, de la mise au point et, finalement, lors de l’exploitation.

Les objectifs d’apprentissage

Mais pourquoi faudrait-il « faire » pour « apprendre » ? En faisant, l’apprenant∙e:

  • comprend mieux ce qu’implique l’exercice d’une activité spécifique: pour apprendre à aller à vélo, il/elle a le choix entre lire de multiples ouvrages spécialisés ou de monter physiquement sur un vélo… 
  • va rapidement savoir si l’activité lui convient ou non. En fait, il ou elle va estimer si l’effort à fournir, nécessaire, est en adéquation avec le retour espéré,
  • sait ce qu’il/elle peut adapter, modifier, tordre à son avantage. En fonction du niveau de compétence acquis, il/elle peut modifier des paramètres de plus en plus complexes,
  • développe une meilleure compréhension du sujet. En effet, il ou elle comprend « comment » fonctionne le dispositif utilisé,
  • développe son sens critique et sa créativité.

Si les drones entrent dans l’enseignement des hautes écoles techniques, où ils permettent d’enseigner des notions d’intelligence artificielle (Swarm robots), d’ingénierie logicielle ou matérielle,… ils permettent à un public plus large de développer des savoir-faire de base (électronique, mécanique, matériaux composites,…), des aptitudes analytiques (recherche et résolution d’erreurs), le sens de l’organisation (construction et tests) et finalement l’habileté manuelle (construction et vol). Toute proportion gardée, cette approche s’apparente aux classes de travaux manuels des écoles primaires, dans lesquelles les drones pourraient parfaitement faire leur entrée.

La technologie

Elle doit être ouverte, dans la mesure du possible, aussi bien du point de vue matériel (Open Hardware) que logiciel (Open Source). Beaucoup de produits commerciaux sont des «boîtes noires», qui n’offrent peu ou pas de possibilités d’expérimentation: ils ne constituent donc pas des vecteurs d’apprentissage intéressants.

CrazyLes produits qui conviennent à un apprentissage « en faisant » sont souvent nés au sein de groupes de passionnés. Un exemple marquant en est le « Crazyflie », dont le circuit prototype a été soudé… à la poêle à frire!

Entretemps, les modèles dont il est question dans ce billet sont commercialisé en kits, à divers stades de finition. Certains, comme l’Arducopter, peuvent même être acheté prêt à voler (RTF – ready to fly). Ils sont alors livrés montés et, surtout, paramétrés, ce qui permet de les faire voler immédiatement, sans mise au point. Il ne faut cependant pas s’y tromper: des incidents multiples et variés sont reportés dans les forums, incidents qui ont généralement en commun l’absence de compréhension approfondie des systèmes. C’est pourquoi il est recommandé, surtout en apprentissage « en faisant », de préférer les engins en kits, qui exigent d’approfondir ses connaissances quant au fonctionnement, avant de pouvoir procéder à un vol. Certains composants, comme le contrôleur de vol Pixhawk, est même neutralisé d’usine et il faut explicitement le configurer pour pouvoir l’exploiter.

 

ArducopterL’Arducopter / Arduplane (quadcoptère/avion), un des premiers projets de drone OpenSource, est intéressant sur un autre plan: comme contrôleur de vol, il utilise une carte Arduino (même si celle-ci est fortement modifiée). A elle seule, cette carte offre de multiples possibilités d’expérimentation, donc d’apprentissage, comme on peut le découvrir dans cet article. Son seul point faible: ses performances, qui se situent aujourd’hui à la limite pour un contrôle en vol. C’est la raison pour laquelle certains fabricants utilisent désormais des processeurs plus puissants. Mentionnons OpenPilotPixhawk (qui équipe les dernières versions de l’Arducopter)  AutoQuadFlyduino, MultiWii, …

Il est intéressant de noter qu’une exploitation en vol d’un multicoptère s’avérerait impossible sans recours à une stabilisation au moyen de gyroscopes et d’accéléromètres, dont la miniaturisation a été dictée par le développement des smartphones. Pour le vol autonome, la technologie GPS est incontournable. Celle-ci a aussi profité de la sophistication des smartphones: les modules sont en effet de taille de plus en plus réduite.

 

L’exploitation

« Der weg ist das Ziel » (Le chemin est le but), dit un proverbe allemand. Et c’est bien de cela dont il est question dans l’apprentissage « en faisant »: beaucoup de passionné∙e∙s d’engins volants, une fois la construction et la mise au point de l’engin terminées… passent au projet suivant ! Tant il est vrai que le « chemin » offre, à lui seul, de multiples défis, d’occasions d’apprendre, de satisfactions: depuis le calcul de la motorisation à celui de l’alimentation, depuis la soudure (au terme de laquelle il n’est pas rare de douter d’un fonctionnement normal de l’électronique, tant elle a été soumise à une maladroite et insistante « cuisson ») à l’équilibrage des hélices, depuis l’installation des interfaces de programmation à la progressive adaptation des paramètres du logiciel,… Le premier vol couronné de succès est souvent une récompense largement satisfaisante, que l’on ne saurait répéter jusqu’à l’ennui !

De la même façon, ne pas arriver au terme de la construction et la mise au point d’un drone ne signifie aucunement que les objectifs d’apprentissage n’ont pas été atteints. C’est peut-être là l’une des caractéristiques centrales de l’apprentissage « en faisant »: l’apprenant∙e ne doit pas obligatoirement arriver au terme d’un programme, il ou elle doit être assuré∙e d’avoir acquis les compétences ou les savoirs visés.

Conclusion

L’attrait pour les nouvelles technologies, à lui seul, n’est cependant pas suffisant. Il faut, en effet, beaucoup de persévérance pour arriver au bout d’un cycle construction-réglage-essais-exploitation. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, malgré les ventes croissantes de drones, il est finalement rare d’en voir voler. Car, même avec un modèle prêt à voler, la courbe d’apprentissage est très « pentue » ! Une solide motivation et une certaine discipline sont donc indispensables. Peut-être qu’avec un accompagnement adéquat, ces deux qualités peuvent-elles également être acquises ?

La discipline est également de mise lors de l’exploitation des drones. En Suisse, leur usage est autorisé hors rassemblement de personnes et hors espace aérien contrôlé (la plaine de Plainpalais est dans la CTR de l’aéroport de Genève, espace restreint qui s’étend jusqu’au sol… ), si l’exploitant est au bénéfice d’une assurance RC couvrant le risque (la plupart des RC ménage délivrent une attestation sur demande). En France, le drone doit être certifié et le pilote posséder, au minimum, une licence théorique ULM. Si l’engin est exploité à proximité de personnes, il faut en outre remplir une déclaration d’activité et obtenir une autorisation préfectorale… Dans les deux états, si le drone est muni d’une caméra, il s’agira de respecter la sphère privée.