MOOC, alors !

Soumis comme vous tous au matraquage médiatique autour des MOOCs (et produits dérivés) j’ai décidé d’en suivre un, histoire de savoir de quoi «l’on cause». Mon choix s’est arrêté sur un cours de robotique, proposé sur la plate-forme Coursera.

Ce qui me frappe d’emblée, c’est la qualité du matériel vidéo des modules: loin d’être exceptionnelle, elle est portée par… le charisme de l’enseignant . En effet, les vidéos sont prises de face, caméra fixe, avec fond aseptisé et incrustation de pages Powerpoint si nécessaire . A priori, un peu «cheap» et pas vraiment sexy ! En l’occurrence, ça marche très bien: l’enthousiasme, l’humour, le rythme et le ton de l’enseignant font la musique. Les qualités requises pour garder l’auditoire en éveil ne semblent donc pas très différentes de celles exigées pour un cours en amphithéâtre.

Dès les premières minutes, je perçois le flou que l’institution fait planer en matière de pré-requis. En effet, le cours est annoncé pour un public avec des bases minimum en mathématiques. La suite prouve clairement le contraire : une bonne connaissance de l’analyse et de l’algèbre linéaire est indispensable et il faut beaucoup de travail pour se mettre/remettre à niveau. Cet écart dans les perceptions dissuade certainement un grand nombre de candidat·e·s: il faut en effet une discipline de fer, une volonté sans failles, du temps et une bonne expérience de la part de l’apprenant·e. S’il est facile de regarder une vidéo, il beaucoup plus ardu de comprendre, intimement, les notions qui y sont présentées.

La progression est gérée par des « quizzes ». Dans le cas qui nous occupe, ceux-ci sont intelligemment conçus et ne se contentent pas de vérifier si le module récemment suivi a été appris par coeur. Ils exigent, au contraire, de la logique, de la réflexion, une utilisation sensée des connaissances présentées. Ils ne sont pas évidents à passer, ce dont se plaignent volontiers les étudiants… Pas entièrement à tort, puisqu’ils sont obligés de travailler dur pour progresser, alors que le descriptif suggérait la facilité.

Si l’on veut «fixer» ses connaissances, il n’y a pas de miracles: il faut repasser les vidéos, prendre des notes, refaire patiemment les exemples, exécuter les exercices facultatifs proposés. C’est, comme on peut bien l’imaginer, un travail conséquent, qui ressemble étrangement aux études en présentiel !

A en croire les feed-backs dans les forums, il semble qu’en dépit de l’aide réelle mais souvent tardive de la part des enseignant·e·s et/ou des autres étudiant·e·s, beaucoup d’apprenant·e·s peinent à trouver réponses à leurs nombreuses questions. En effet: les forums regorgent de questions, mais manquent parfois de réponses.

Je regrette qu’il n’y ait pas un support de cours digne ce nom (autre que la collection téléchargeable des Powerpoints utilisée dans les vidéos). Il faut avoir la discipline de collectionner, patiemment, le matériel présenté, sauvegarder ses exercices, exemples et soumissions pour les quizzes. A la décharge de l’enseignant, celui-ci propose une liste de ressources en-ligne, qui compense quelque peu cette absence de matériel de cours.

Dommage également de ne pas pouvoir assister «réellement» au cours de l’enseignant, personnage sympathique et charismatique à l’envi ! Dommage de ne pouvoir interagir, collaborer «in vivo» avec d’autres apprenant·e·s ! Les participants ont cependant la possibilité d’organiser des « meetup », via la plate-forme Coursera, mais trouver des personnes qui suivraient le même cours dans un rayon géographique raisonnable, peut s’avérer difficile…

Je remarque que, malgré la thématique du cours qu’on préjugerait volontiers masculine, l’enseignant a confié les modules de révision à une assistante. Il semblerait que cette manière de faire soit courante aux Etats-Unis et ce partage des tâches est positivement relevé dans les forums.

La gratuité de ces cours est un mystère et l’on peut légitimement se poser la question si, tôt ou tard, l’éditeur ne va pas demander un micro-paiement pour chaque inscription. Et les chiffres donnent le tournis: si 150’000 étudiant·e·s (chiffres couramment cités) s’inscrivent pour la modique somme de, p. ex., CHF 2.-, ce sont CHF 300’000.- qui tombent dans ses fontes. Et c’est là un versement qu’une majorité d’intéressé·e·s seraient disposé·e·s à faire, «pour voir». Je me pose la question: après les bulles spéculatives dans l’immobilier, le gaz de schiste et autres produits, verrons-nous une bulle de l’enseignement à distance ?

Il faut encore relever que pour le cours concerné, une attestation est délivrée si un score de 60% a été réalisé sur l’ensemble des quiz, une attestation avec distinction si le score est de 90% ou plus. Il n’est octroyé ni certificat reconnu, ni crédits ECTS: je peux imaginer que si tel devait être le cas, l’examen final organisé par une institution reconnue, serait payant.

En conclusion, je pense que la formule convient parfaitement à des apprenant·e·s motivé·e·s, capables de s’auto-gérer/auto-discipliner. Elle trouve parfaitement sa place dans une formation continue axée sur des compétences spécifiques ou de manière ponctuelle dans un cursus académique. Expérience faite l’isolement, implicite, en serait le facteur le plus limitant.

Pour en savoir plus: Daniel Scherly a publié un article très détaillé sur les Moocs sur le site web de la faculté de médecine de l’Unige