La dematerialisation des titres académiques: état des lieux, scenario et perspectives
La dématérialisation des titres implique de nouvelles pratiques pour conserver et gérer les documents. Les universités sont au coeur de ce débat, puisque les évolutions technologiques changent les modalités de délivrance des titres, tout en modifiant la représentation du titre «papier ». Ainsi, le développement de l’enseignement à distance change les attentes des utilisateurs, utilisatrices et prestataires de formation. L’American Council on Education (ACE) réfléchit actuellement aux modalités d’obtention de crédits ECTS par voie de MOOCs.
De leur côté, le service NTICE de la Division STIC (Système et Technologies de l’Information et de la Communication) de l’ Université de Genève, en collaboration avec Switch et l’Université de Lausanne, a réalisé une pré-étude « Long-Term Storage of Forgery-Proof Certificats in Use Centric Environnements ». L’objectif de celle-ci: évaluer la pertinence et la faisabilité d’émission de titres au format numérique, centrée sur la vérification leur l’authenticité par les universités, prenant en compte la mobilité estudiantine.
1. Le cycle de vie d’un document
Pour réaliser cette pré-étude[1], les auteur∙e∙s ont retracé le chemin institutionnel, dénommé «cycle de vie des documents», qui mène à la production d’un diplôme. «La production d’un document suit un processus de création, de diffusion et d’archivage relativement complexe. Il fait appel à un grand nombre d’acteurs/actrices et met en œuvre différentes techniques informatiques. Néanmoins ce processus peut être modélisé afin d’être géré dans les meilleures conditions» (Livre Blanc de la dématérialisation de l’archivage, 2011, p.9)[2].
Dans cette pré-étude les auteur∙e∙s se sont concentrés sur les trois étapes du processus, à savoir: émission, diffusion et archivage. Les principaux résultats sont présentés ci-après.
1.1 A propos de l’émission d’un titre
Le degré de dématérialisation des documents dépend de la culture numérique institutionnelle ainsi que des cadres légaux. Les universités de Lausanne et Genève récoltent, dans différentes bases, les données numériques nécessaires à la production des titres. A Lausanne, la signature manuscrite prédomine, alors qu’à Genève, elle est progressivement remplacée par une signature numérisée. Il ressort des entretiens que ce processus de dématérialisation est bien présent au sein de ces deux institutions. Toutefois, pour les acteurs et actrices rencontré∙e∙s, imposer un format unique au titre, qu’il soit numérique ou papier, n’apporterait rien à l’institution. Il est important de maintenir la possibilité de diffuser ce document dans le format qui convient au contexte (solution hybride). Ainsi, pour la cérémonie de remise des diplômes, moment marquant de la vie universitaire, il est important de pouvoir remettre un titre au format papier aux étudiant∙e∙s.
1.2 A propos de la diffusion des titres
Le processus de dématérialisation des diplômes et autres documents liés au cursus de formation est perçu avant tout comme une amélioration de l’organisation du travail et des méthodes de collaboration. En effet, la lutte contre la falsification des titres reste un besoin périphérique, à cause de la confiance mutuelle entre universités et marché du travail. Les recruteurs ne vérifient pas systématiquement l’authenticité des titres lorsqu’ils connaissent, de réputation, l’institution. Ainsi, lors d’une postulation, les documents usuels (CV, diplômes, attestations de travail) sont scannés et envoyés par courriel. Lorsque la vérification des titres obtenus doit être effectuée, l’original au format papier est généralement exigé, procédure lourde qui demande une grande familiarité avec les particularités des titres délivrés (typographie, grammage du papier, logos, etc.). Sachant que pour l’admission dans les universités, la vérification des titres est en principe systématique, l’introduction du diplôme au format numérique représente une réelle opportunité d’optimisation du cycle de vie de ces documents.
1.3 A propos du stockage / de l’archivage d’un document
L’usage en cours au sein des deux institutions est principalement le papier. Cependant, l’archivage numérique semblerait plus adapté aux pratiques actuelles. Ainsi les documents sont parfois stockés à double, faute de cadre légal adapté. Une réflexion portant sur la récolte des données devrait être menée par les institutions, comme le soulignent les personnes interviewées.
1.4 Le cadre légal en question
La loi offre la possibilité aux institutions de produire des documents numériques d’origine, avec pour contrainte une traçabilité de toutes les actions du processus de dématérialisation. Plusieurs systèmes normatifs existent actuellement qui garantissent l’intégrité du cycle de vie des documents dématérialisés[3]. Ainsi, il apparaît que les questions soulevées lors des entretiens sont avant tout d’ordre technique ou d’organisation interne, sachant que si l’université souhaite s’engager dans la voie de dématérialisation, une adaptation des règles internes, notamment les règlements d’étude, est pleinement possible. Comme le souligne le secteur des affaires juridiques: « Toutes les problématiques relatives à la dématérialisation devraient être traitées et réglées dans le cadre d’une directive, laquelle mentionnerait le genre de signatures apposées sur le diplôme papier et informatique, la hiérarchie entre les documents (originaux, copies certifiées conformes…). Cette directive serait, à l’instar de la directive sur le plagiat, un document publié et public qui s’appliquerait à l’ensemble de la communauté universitaire.” Les contextes tant sociaux que juridiques apparaissent donc, aujourd’hui, favorables à la mise en place d’un scénario proposant la dématérialisation des diplômes dans le monde académique, notamment tenant compte du développement des formations en ligne de type MOOCs.
2. Présentation du scénario de la dématérialisation d’un titre
2.1 Fonctionnalité de base
Le titre est émis au format papier à partir des données provenant des bases institutionnelles puis elles sont transmises à une base centralisée qui se charge de la distribution des données. L’étudiant∙e dispose d’un lien présentant le contenu de son titre et attestant de son authenticité grâce au protocole de vérification. Ce protocole permet à tout un chacun de vérifier de manière rapide et fiable l’authenticité d’un titre délivré à partir du site web de confiance mis à disposition.
2.2 Fonctionnalité avancée centrée utilisateur
Le titre est émis à partir des données provenant des bases institutionnelles, lesquelles sont transmises à une base centralisée qui se charge de la distribution et, optionnellement, du formatage des données selon des normes techniques internationales. L’étudiant∙e dispose d’un environnement protégé par un système d’authentification à long terme comme par exemple Swiss edu-ID, qui lui permet d’accéder à tous ses diplômes. Dans ce scénario, les universités sont responsables des données et de leur qualité. L’organisme hébergeur de la base centrale offre aux universités une infrastructure commune répondant aux normes de stockage (cet organisme pourrait être SWITCH).
3. Conclusion et recommandations
En conclusion, le groupe de travail recommande la mise en place d’un environnement centré sur l’étudiant∙e (Figure 3), qui permet à chaque diplômé∙e d’établir et de valoriser son parcours académique et professionnel, de certifier ses acquis auprès d’employeurs potentiels, et de conserver autant que possible son identité numérique. Cet environnement devrait lui permettre :
- de faciliter l’accès ultérieur en ligne à ses certificats, diplômes et autres preuves de ses acquis ;
- de faciliter l’établissement d’un bilan de ses connaissances et compétences (formelles et informelles) ;
- d’actualiser ses acquis tout au long de sa vie pour faire face aux nouvelles exigences du marché de l’emploi.
Cet article a été rédigé par Anne Ronchi et Omar Benkacem
4. Références
[1] En particulier l’usage de normes internationales, telles qu’OAIS (norme de système d’archivage) ou ISO 15489 (norme sur les enregistrements numériques (Records Management)).
[2] Note interne concernant “Dématérialisation d’un titre Diplôme/grade” a été rédigée par Alina Gussing-Weibel, juriste, Secteur des Affaires juridiques, Université de Genève. 3 avril 2014.[3] Pour enrichir la réflexion sur le processus de dématérialisation des titres, des entretiens auprès de 28 représentant∙e∙s de la communauté académique et estudiantine des Universités de Genève et de Lausanne, ainsi que des employeurs, ont été effectués.